Au pays du multilinguisme
(Extrait de la revue Nouvelles de l’Inde, de septembre-octobre 2018)
En Inde, l’apprentissage de plusieurs langues est une nécessité pour pouvoir communiquer dans tout le pays et même au sein d’une famille dont les membres parlent souvent différentes langues.
Ainsi, Akshaya, une petite fille de 8 ans du Kerala apprend à l’école le malayalam – la langue régionale du Kerala – ainsi que le hindi – l’une des langues que l’on parle plus ou moins bien dans différentes régions du pays – et suit son enseignement général en anglais. Si lorsqu’elle rentre à la maison, Akshaya parle malayalam avec son père et ses grands-parents paternels, sa mère, elle, ne lui parle que tamoul, la langue régionale du Tamil Nadu, dont cette dernière est originaire.
La petite fille doit donc maîtriser quatre langues différentes et quatre alphabets distincts. Car, pour compliquer les choses, le hindi, par exemple, s’écrit en caractères devanagari, hérités du sanskrit, alors que le malayalam, une langue dravidienne, qui n’a pas la même origine, a adopté un système d’écriture brahmique syllabaire, comprenant pas moins de 51 signes de base, tandis que l’anglais est enseigné grâce à l’alphabet latin et les 26 lettres que nous connaissons.
La constitution de la République indienne reconnait le multilinguisme du pays et prévoit des dispositions destinées à l’encourager dans tous les domaines. Ce texte fondateur énumère 22 langues officielles qui se répartissent en familles linguistiques d’origines et de structures distinctes : les langues dravidiennes (tamoul, télougou, kannada, malayalam), les langues tibéto-birmanes (bodo, manipuri, santali) et les langues indo-aryennes (toutes les autres).
Le hindi, langue officielle de plusieurs Etats, est parlée par 43,6 % de la population, soit 528 millions de personnes.
Le recensement indien de 2011 fait état d’un nombre de 19.569 langues et dialectes déclarés par les Indiens en tant que langue maternelle, mais, après classification, il retient le nombre de 121 langues (ne comptabilisant pas les langues parlées par moins de 10.000 locuteurs), tandis qu’un recensement entrepris par le projet « People’s linguistic survey of India » dénombre 780 langues parlées, et que d’autres statistiques parlent de plus d’un millier de langues. De quoi y perdre son latin … Ou plutôt son sanskrit !
Dans la pratique, dans les Etats du nord, les conversations se déroulent soit dans la langue de l’Etat, si tous les intervenants la maîtrisent, soit en hindi ; dans ceux du sud, elles sont menées soit dans la langue de l’Etat, soit en anglais.
Afin d’améliorer les interactions et la mobilité géographique, la Commission de l’enseignement secondaire du gouvernement indien a mis en place, dès 1952, les bases d’une politique éducative multilingue. Aujourd’hui, toutes les écoles sont censées proposer une formule trilingue, comprenant la langue maternelle ou la langue régionale, le hindi et une autre langue moderne, indienne ou étrangère. Les établissements publics se concentrent davantage sur les langues régionales, tandis que les écoles privées font la part belle à l’anglais.
Pour Gurcharan Das, un essayiste indien de renom, « L’Inde a toujours été une terre multilingue. Ce qui fait notre identité, c’est justement notre diversité ».